Jeunes parents, parents en devenir… nous voulons le meilleur pour notre (futur) bébé. Alors on commence à se renseigner, à chercher des informations, à lire, à écouter des podcasts… Et bien vite, on lit « le lait maternel est ce qu’il y a de mieux pour votre bébé ».

Alors oui, c’est un fait – que cet article ne remet absolument pas en question ! – le lait maternel est l’aliment le plus adapté pour notre bébé (pour plus d’informations, cet article sur les avantages de l’allaitement).

Mais, bien souvent, après nous avoir dit « votre lait est le meilleur pour votre bébé », on nous dit « et en plus il est gratuit ! ». Alors certes, nous n’avons pas à investir dans grand-chose pour allaiter…

Encore que, celles qui ont quelques heures de tétées derrière elles vous le diront, quelques accessoires peuvent s’avérer utiles (on pense aux coussinets pour les fuites, les coquillages, une crème de type lanoline pour les crevasses, un tire-lait manuel et/ou un recueil lait pour éviter les engorgements et/ou avoir un peu de lait d’avance pour des biberons en cas d’absence… bref finalement s’équiper peut aider ou même sauver un allaitement !). Bref, ce n’est pas le propos ici.

La vraie question est : peut-on vraiment dire que le lait maternel est gratuit ?

Quand on cherche un peu, en tapant sur un moteur de recherche « coût de l’allaitement » on trouve plutôt ce genre d’article « Combien cela coûte-t-il vraiment d’allaiter, Paroles de Maman » et on trouve des informations concernant… les accessoires !

Et puis, si on creuse un peu, on trouve cet article, dont je vous mets un extrait : « Une étude australienne a évalué les pertes économiques potentielles si les femmes qui allaitent ne sont pas protégées et pas soutenues. Journal of Human Lactation, juillet 2013. Pour l’Australie, la valeur de l’aliment « lait maternel » s’élevait annuellement à 3 milliards de dollars, pour la Norvège à 907 millions de dollars.”

Voilà voilà… Donc, dire qu’allaiter est gratuit est faux. La femme allaitante produit de la valeur, sauf que celle-ci n’est pas prise en compte dans les calculs…

Autre aspect, on entend souvent ce vieil adage (dans les entreprises au moins) “le temps c’est de l’argent”.

Petit calcul de mon amie Claire qui collabore à cet article :

Mon fils de 14 semaines tète encore environ 10 fois par jour, chaque tétée dure 10 à 15 minutes (allez on va dire 12 !). Donc par jour je passe 10 fois 12 minutes soit 120 minutes par jour à le nourrir, donc 2h. Au 1er janvier 2021, le taux horaire du SMIC était de 10,25…

Vous allez me dire « Oui mais tu es en congé maternité, tu es payée pour faire ça ». Certes, mais le congé maternité ne dure pas assez longtemps… et si je veux continuer à allaiter mon enfant, je dois tirer mon lait (sur mon lieu de travail) et là je me permets de vous renvoyer sur cet article sur Slate (très intéressant !). C’est aussi une vraie problématique !

Pour plus d’informations (qui mériterait lui aussi un article entier), je vous invite à consulter l’article de La Leche League à ce sujet (et vous verrez qu’on a encore des progrès à faire de ce côté-là !).

Quand on sait que l’OMS préconise un allaitement exclusif jusqu’aux 6 mois de l’enfant… on comprend vite qu’il y a une inadéquation entre les recommandations sanitaires et le système. Bon je m’éloigne un peu du sujet (désolée, il y a tellement à dire ! Et c’est tellement révélateur de la place que la Société accorde aux mères…

Voici d’ailleurs les propos d’une pédiatre lors d’une interview sur France Culture : « Dans les maternités actuellement on a à peu près 50% de femmes qui sortent avec un projet d’allaitement, qui allaitent leur bébé. Et finalement à 6 mois on a 20% de mamans qui allaitent toujours leur bébé mais seulement 10% qui sont en allaitement prépondérant. La durée moyenne de l’allaitement actuellement, sur les dernières études, elle est à 7 semaines, sur la médiane. »

Donc, comme qui dirait, la question elle est vite répondue.

Oui, l’allaitement est gratuit. A condition de considérer que le temps de la femme n’a aucune valeur, et qu’on ne prend pas en considération les retombées économiques, notamment en santé publique.

Et il me semble important de préciser que le temps des femmes qui donnent un biberon a autant de valeur que celui d’une femme allaitante. Seulement, ces femmes n’entendent pas (enfin je crois ?) que l’alimentation de leur enfant est gratuite, et donc sont souvent invisibilisées dans cette question de la valeur du temps des femmes, des mères.

Ecrit en collaboration avec ma précieuse amie Claire-Elise Fisher, docteur à la faculté de YORK